(LCP) Les députés de l'opposition se sont rebellés hier matin quand le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, a convoqué deux commissions parlementaires lundi prochain pour des études détaillées de projets de loi.

 

Le lundi en politique québécoise est le jour qui est traditionnellement consacré par les députés à « faire du bureau de comté ». Il est généralement reconnu que les élus préfèrent donc rester dans leur circonscription électorale respective à rencontrer des commettants.

 

Sous le gouvernement libéral, le leader parlementaire avait dû cesser de convoquer des commissions parlementaires. Le député Harold LeBel avait plaidé à l'époque qu'il était difficile pour les députés des régions de faire des heures de route au lieu de s'occuper de dossiers de circonscription. Les élus se faisaient souvent remplacer et les études détaillées ne progressaient alors que très lentement sinon pas du tout. Les convocations du lundi avaient alors pratiquement cessé.

 

Les leaders sont à nouveau montés aux barricades, hier, lorsque le leader du gouvernement a convoqué la Commission des finances publiques sur le projet de loi 3 visant l’instauration d’un taux unique de taxation scolaire et la Commission des institutions pour l'étude détaillée du projet de loi 1 modifiant les règles encadrant la nomination et la destitution du commissaire à la lutte contre la corruption, du directeur général de la Sûreté du Québec et du directeur des poursuites criminelles et pénales.

 

Cette étude détaillée est convoquée alors que la CI va siéger juste avant pour une interpellation qui devait avoir lieu vendredi, mais qui a été reportée pour accommoder la ministre Nadine Girault.

 

Cette fois, la première salve est venue du parti de Manon Massé. « J'ai toujours essayé d'avoir une attitude posée, modérée et constructive. Sauf que là, il y a des événements qui se bousculent puis qui me font remettre en question cette attitude-là », soupire d'abord Gabriel Nadeau-Dubois.

 

« On est en 2019, on a un Parlement plus diversifié que jamais, à la fois en termes politiques, en termes hommes-femmes, mais aussi d'un point de vue générationnel. Ça pose notamment des enjeux de conciliation entre le travail parlementaire et les enjeux familiaux, et quand on parle de bonne marche des travaux parlementaires, je pense qu'il y a une responsabilité de tous les leaders parlementaires de travailler à ce qu'on travaille de manière compréhensive pour l'ensemble des députés », se plaint le leader de Québec solidaire.

 

Simon Jolin-Barrette s'est défendu en invoquant la nécessité d'être efficace étant donné le peu de semaines pendant lesquelles le parlement peut siéger. L'opposition devrait trouver des moyens de se rendre disponible. « Le projet de loi 1 a été déposé au mois de novembre 2018. Novembre, décembre, janvier, février, mars. On est rendus cinq mois plus tard. C'est possible également, dans certaines situations, de faire des remplacements. Le député de Gouin a également deux députés qui sont issus de la région de Québec, à quelques minutes du parlement aussi. Il y a toujours des modalités qui peuvent s'accommoder. Mais, chose certaine, lundi, nous souhaitons siéger, et c'est l'avis qui a été envoyé également. Et ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, durant ces 26 semaines, l'Assemblée peut siéger. Et elle siégera ce lundi », tranche le leader caquiste.

 

C'était sans compter sur l'exaspération d'Harold LeBel. « Ça voudrait dire que tu es chanceux d'être élu dans la région de Québec, toi, tu vas pouvoir travailler en commission. Les autres, vous êtes trop loin, restez chez vous! » tempête l'élu du Parti québécois. « Tu sais, ça ne marche pas comme ça. Si on veut faire notre travail de contrôleurs, de législateur puis d'intermédiaires, on doit être capables de le faire et on doit être capables de donner nos lundis à nos citoyens, les rencontrer «back à back», de 9 heures, à 5 heures, à 8 heures. Faire des soirées, rencontrer des citoyens le soir. C'est ça qu'on fait comme travail dans nos comtés les lundis. »

 

Le leader de l'opposition officielle, quant à lui trouve son vis-à-vis du gouvernement bien peu patient. « Le projet de loi sur le cannabis qu'a fait le collègue ministre des Services sociaux, il trouve que c'est long. Je ne lui en veux pas, j'ai été ministre. C'est vrai que, des fois, c'est long. Mais le précédent projet, là, attachez votre tuque avec de la broche, là, ça a duré deux ans. Ça a duré plus de 144 heures, fait par l'excellent travail d'opposition du leader du gouvernement actuellement. Alors, c'est des heures, et des heures, et des heures de plaisir, vous me le direz après. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est que ce travail-là, il doit se faire », dit Sébastien Proulx.

 

Malgré tout, le leader Jolin-Barrette ne bronche pas. « Je suis extrêmement sensible à la situation familiale des individus. Cela étant dit, le règlement prévoit qu'on peut siéger du lundi au vendredi en commission parlementaire. Le député de Rimouski tantôt nous disait : notre rôle, c'est d'être contrôleur, législateur et représentant de nos citoyens. Deux des trois rôles se font ici, au Parlement, durant 26 semaines par année. »

 

C'est un argument que son collègue de QS n'a pas apprécié. « Bien, j'ai des nouvelles pour le leader du gouvernement, il y a des outils pour les oppositions aussi dans le règlement. Moi, je n'ai pas envie d'entrer dans ces games-là, mais si, quand moi, je fais part des préoccupations de conciliation travail-famille, je me fais répondre en me faisant brandir un livre, bien, je vais l'ouvrir, le livre, puis je vais regarder c'est quoi, les outils qu'il y a dedans, parce que sérieusement, je ne suis pas sûr que c'est une bonne manière, justement, de faire fonctionner le parlement. »

 

Avant que les choses ne s'enveniment, le vice-président de l'Assemblée nationale, Marc Picard, a plutôt invité les leaders à terminer leur dispute à l'extérieur de l'enceinte.

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