(LCP) C'est l'étude détaillée du projet de loi 34 visant à simplifier le processus d’établissement des tarifs de distribution d’électricité qui s'est poursuivi au Salon bleu sous une autre forme, lors de l'interpellation de vendredi matin. L'opposition libérale maintient voir dans l'initiative du gouvernement Legault, « l’absence de remboursement des trop-perçus aux consommateurs québécois promis par la Coalition Avenir Québec et l’affaiblissement de la Régie de l’énergie ».

 

De l'avis du député Saul Polo qui avait convoqué l'interpellation, le P.L. 34, « c'est un cheval de Troie ». Pourquoi? « C'est un projet de loi qui vise à, supposément, simplifier, vise à rembourser, à corriger le mécanisme des trop-perçus, à rembourser l'argent des trop-perçus auprès des Québécois. Mais, à la fin de la journée, en collant l'augmentation des tarifs selon l'inflation, ce que ça fait, c'est que ça élimine également les pouvoirs de la Régie de l'énergie ». Or, « les pouvoirs de la Régie de l'énergie, c'est un contrepoids au monopole de l'État ».

 

Le député de Laval-des-Rapides reproche au ministre Jonatan Julien de boire le même « Kool-Aid » que les dirigeants d'Hydro-Québec. « Le vrai enjeu, c'est de garantir des revenus minimums pour Hydro-Québec, peu importe quel est le vrai tarif, quel est le juste prix que devrait payer la population. C'est ça qui est fâchant, », dit-il.

 

Équilibre budgétaire

Pour sa part, le ministre Julien reproche aux gouvernements libéraux de ne pas avoir agi pour retourner le trop-perçu à la population. « Nul besoin de rappeler également à mon collègue de Laval-des-Rapides la décision de son parti politique de ne pas avoir retourné à la clientèle d'Hydro-Québec d'importantes sommes d'argent accumulées entre 2014 et 2016 selon un mécanisme établi par la Régie de l'énergie, sous prétexte de favoriser un retour à l'équilibre budgétaire. Un mécanisme d'écarts de rendement qui était en place pour retourner de l'argent à la clientèle a été suspendu volontairement », a-t-il répliqué.

 

« Je veux rassurer mon collègue afin qu'il puisse propager à qui veut l'entendre que la Régie de l'énergie continue d'être l'organisme responsable de la fixation des tarifs. » Hydro-Québec « continuera de présenter devant la régie pour faire approuver ses tarifs, mais non plus sur base annuelle, mais aux cinq ans. Seule la notion de périodicité est modifiée », mentionne M. Julien.

 

1984

De son côté, l'élu Sol Zanetti de Québec solidaire compare le P.L. 34 au roman 1984 de George Orwell. « C'est comme une simplification complexe. D'abord, les faux remboursements. Le ministre nous assure que le remboursement des trop-perçus évalué à 1,1 milliard $ se fera grâce au crédit de 500 millions $ et au gel des tarifs pour l'année 2019‑2020. » En fait, « les trop-perçus ne seront pas vraiment remboursés, et surtout qu'on ne pérennise pas le mécanisme de remboursement des trop-perçus ». Quant à la Régie « on l'affaiblit, on lui enlève les moyens dont elle dispose pour s'assurer du respect du pacte social à l'origine de la création d'Hydro-Québec et de son propre mandat ».

 

Cadeau pour Hydro-Québec

Pour le député Pascal Bérubé du Parti québécois, le projet de loi ne sert qu'à satisfaire la direction d'Hydro-Québec. « Il va faire tout ce qu'il va leur demander, le patron d'Hydro-Québec. Alors, premier élément, de quoi vous avez besoin, Hydro-Québec, que vous avez rêvé depuis longtemps? Ah! la Régie de l'énergie. Ça, c'est fatigant. Bien, ils leur ont donné puis ils ont dit : maintenant, bâdrez-vous plus de tout ça, puis même s'ils vous demandent d'aller les rencontrer, allez-y pas, on va faire adopter un projet de loi en décembre puis on va gagner du temps », explique l'élu de Matane-Matapédia.

 

« L'intention de notre gouvernement est claire : offrir une tarification prévisible avec des hausses limitées à l'inflation, une tarification revue sur une base quinquennale par la Régie de l'énergie », reprend le ministre. « La Régie de l'énergie ne perd aucun pouvoir, aucune responsabilité. La cause tarifaire, au lieu d'être aux 12 mois, elle sera aux 60 mois », dit-il.

 

« Les mesures qu'on souhaite mettre en place dès janvier 2020, si le projet de loi est adopté, permettront de retourner effectivement des sommes à la clientèle. Effectivement, dès le premier trimestre de 2020, la première facturation de la clientèle, et je le précise, c'est plus de 500 millions $ qui seront retournés, c'est l'ensemble du compte d'écarts qui sera retourné à la clientèle. »

 

En conclusion, son vis-à-vis, le député Polo s'est à nouveau opposé en énumérant la perte des responsabilités de la Régie de l'énergie qui surviendront si le projet de loi 34 est adopté.

 

« Application du mécanisme de réglementation incitative assurant la réalisation de gains d'efficience, ça disparaît. Autorisation des projets d'investissement, ça disparaît. Approbation des programmes commerciaux y compris ceux spécifiques au réseau autonome de distribution d'électricité, ça disparaît. Application de mécanismes de réglementation incitative assurant la réalisation de gains d'efficience, ça disparaît. Et je poursuis. Rapport annuel Hydro-Québec Distribution, c'est remplacé par une liste de renseignements à fournir, ça prend le bord. Tenu d'audiences publiques, on va le faire aux 60 mois plutôt que de le faire chaque année », a-t-il dit.

-30-